Surprises

A partir de mi-novembre, les Pays-Bas vivent au rythme de la St Nicolas. Le saint qui réside à Madrid débarque avec Amerigo, son cheval blanc, de son bateau à vapeur trois semaines avant son anniversaire fêté le soir du 5 décembre. St Nicolas est assisté par les Zwarte Pieten pour distribuer présents et friandises. En attendant le 5 décembre et la soirée des gros cadeaux, les enfants peuvent ‘mettre leurs chaussures’ devant la cheminée et peut-être recevoir le matin venu une feuille d’autocollants, un stylo, des biscuits, une lettre en chocolat.

La tradition est charmante. La pratique l’est parfois un petit peu moins.

Depuis quelques années une polémique anime le pays, je dis bien le pays, car même les politiques s’en mêlent : que faire de la couleur des Zwarte Pieten ? En effet, les Zwarte Pieten sont maquillés en noir et certains y voient des esclaves, héritage de l’époque coloniale.

St Nicolas est donc accueilli par des bout’chous perchés sur les épaules de leur papa, un béret de Zwarte Piet sur la tête, les yeux pleins d’étincelles et par des banderoles « Zwarte Piet est du racisme », « libérez Zwarte Piet ». D’après une amie Ethiopienne, les enfants n’en ont rien à faire de la couleur. Ils voient en Zwarte Piet un ami qui distribue des bonbons, qui s’entraine au foot avec eux, qui les fait rire et qui est beaucoup plus accessible que St Nicolas.

La tradition est cependant en train d’évoluer. Les Zwarte Pieten ont de plus en plus le visage maquillé en bleu, vert, doré, orange. L’important est que les enfants ne reconnaissent pas leur voisin ou leur oncle sous le maquillage. Car après tout, la St Nicolas est la fête des enfants.

Mais est-ce vraiment la fête des enfants ?

Dès août, les supermarchés regorgent de lettres en chocolat. En septembre, les catalogues de jouets envahissent les boîtes aux lettres. Dans tous les magasins, les chansons de la St Nicolas tournent en boucle.

Les enfants subissent un lavage de cerveau et sont surexcités. Et pour le cas où ils ne seraient pas assez stressés, une émission télé quotidienne, le Journal de St Nicolas, suit les préparatifs du 5 décembre. Pendant trois semaines, les petits néerlandais sont scotchés devant leur écran car chaque année, on frôle la catastrophe. Cette fois-ci, les paquets sont restés sur le bateau qui est en train de couler. Les enfants sont inquiets : vont-ils avoir leurs cadeaux le 5 au soir ?

Je vous entends dire « boycotte le Journal de St Nicolas ». J’ai bien essayé, mais ils le regardent à l’école. Une année, la présentatrice a annoncé qu’il fallait chercher dans le garage et le grenier les cadeaux que les Zwarte Pieten avaient déjà caché sur place. J’ai dû expliquer à mes deux explorateurs l’importance de l’esprit critique vis-à-vis des médias. J’opte à présent pour la stratégie « connaître son ennemi ». Mes enfants regardent l’émission à la maison. Je peux ainsi gérer les dommages collatéraux.

Je me disais « ça va passer quand ils ne croiront plus », mais pas du tout !

Il y a quelques jours, mon dix ans cerné, pâle, à la limite gris m’a avoué au-dessus de ses tartines de spéculoos qu’il se réveillait tous les jours à 4 heures du matin et qu’il ne pouvait plus se rendormir. Depuis quand ? Depuis que St Nicolas est aux Pays-Bas. L’excitation lui fait perdre le sommeil. Pourtant il ne croit plus depuis au moins deux ans.

Comme il est un grand à présent, dans sa classe, ils fêtent la St Nicolas comme les adultes. Ils se préparent des surprises. Chaque élève tire au sort le nom d’un autre élève. L’enfant reçoit 4 euros pour acheter un petit cadeau et fabrique une surprise. Une surprise est un emballage sur un thème que le destinataire du cadeau aime. L’enfant doit aussi écrire un poème. Cette année, l’heureux destinataire de la surprise de mon dix ans aura un plateau de sushi en boite à chaussures, pâte à modeler et rouleaux de papier-toilette.

Dans quelques jours, St Nicolas sera passé et reparti en Espagne. Les enfants vont pouvoir retrouver le sommeil. En changeant la couleur des Zwarte Pieten, le pays a montré que la tradition peut évoluer. Et si l’année prochaine les écoles boycottaient le Journal de St Nicolas ?

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Surprise (1 « sushi kit », 1 boite à chaussures, trois rouleaux de papier-toilette, pâte à modeler, colle, peinture)

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