Couteau, fourchette

Pour bien comprendre une culture, il faut intégrer les notions de politesse. Vous allez me dire que ce qui est poli en France l’est aussi aux Pays-Bas ; il n’est pas dans nos coutumes de roter à la fin d’un repas ou de cracher par terre (enfin en principe).

Pourtant de véritables différences existent.

Par exemple, je suis souvent choquée par la manière dont certains Néerlandais tiennent leur fourchette. Je vois régulièrement des gens prendre ce couvert à pleine main, avec la paume et non les doigts. Donc lorsqu’ils s’attaquent à un morceau de viande, on retrouve tout de suite l’homme préhistorique qui plantait son biface dans un morceau de mammouth tel une Sharon Stone et son pic à glace. Mes enfants avec qui nous pratiquons assidûment le tenu de fourchette m’observent toujours lorsqu’un convive tient son couvert d’une manière qui m’horripile. Ils me lancent des regards complices et amusés tandis que je tente de respirer tranquillement par le nez.

Autre détail, on trouve parfois sur les tables de restaurants des cure-dents car il arrive aux Néerlandais de se libérer les espaces interdentaires au cours des repas. Attendez, ils font ça classe, en mettant la main ou une serviette devant la bouche. Mais pour moi, je me dis que tant qu’ils y sont, ils devraient carrément sortir la brosse à dent et le fil dentaire. 

D’un autre côté, j’avoue que je mange mes tartines avec les doigts et non avec un couteau et une fourchette comme ici. A ma décharge, les Néerlandais n’étant pas fans de couteaux, couper une tartine même de pain de mie au couteau rond est un art que je ne maîtrise pas. Et en bonne française, je ne supporte pas les couteaux qui ne coupent pas. Or aux Pays-Bas, il n’est pas dans les habitudes de sortir son Opinel ou son Laguiole. Je vous le déconseille fortement d’ailleurs. J’ai fait l’expérience une fois au bureau pour manger un fruit et mes collègues de l’époque m’ont regardée comme une psychopathe.  

De même aux Pays-Bas, on ne trempe pas ses tartines dans son bol de café au lait. Les Néerlandais trouvent cela absolument ragoutant.

En dehors des bonnes manières à table, en France, nous sommes très attachés au vouvoiement. Ici, même si la langue néerlandaise connait un « vous », il n’est que rarement utilisé (pour la famille royale, pour des personnes vraiment âgées et c’est à peu près tout). Ici, on se tutoie, on s’appelle par son prénom. Après une courte phase d’adaptation, je me suis mise au tutoiement intempestif. Mais étrangement dès que je reparle le français, je retombe dans le vouvoiement. Il m’est arrivé de rencontrer des personnes néerlandaises que j’ai tutoyées immédiatement mais dès que j’ai découvert qu’elles parlaient français et que nous avons échangé dans cette langue, j’ai à nouveau utilisé le vouvoiement. Je ne me l’explique pas.

Les Néerlandais lorsqu’ils téléphonent se présentent toujours, qu’ils soient l’appelant ou l’appelé. Ne pas le faire est vraiment mal poli. En France, vous êtes d’accord que si je demande à cette dame de la sécurité sociale de me donner son nom, elle va me croire malintentionnée ou d’une curiosité mal placée.

Ensuite, les Néerlandais sont rarement galants. Je ne compte pas le nombre de fois où mes collègues masculins m’ont balancé la porte dans le nez. Au nom de l’égalité homme-femme, on ne tient pas la porte à autrui ? Pourtant ce n’est qu’une question de respect de l’autre.

De même, tous les matins, je suis agacée de ne pas pouvoir sortir de l’école car tout le monde me pousse à l’intérieur. Je dis toujours haut et fort en néerlandais à mes enfants « on laisse d’abord sortir, c’est l’étiquette ». Mais ici l’étiquette est la foire d’empoigne. Au-delà du savoir-vivre, il est logique de d’abord laisser sortir pour avoir la place de rentrer, non ?

Enfin, je me demande si tout cela n’est que culturel. Je serais peut-être également choquée par certaines manières françaises et devrais peut-être tirer la conclusion que je suis en train de devenir une rabat-joie qui ne veut pas l’admettre et essaye de faire porter le chapeau à sa nationalité.

tartine fraise


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4 réflexions sur “Couteau, fourchette

  1. Merci, je suis actuellement en route pour un Erasmus à Utrecht et votre article m’a éclairée sur les bonnes manière à adopter. Il m’a aussi préparée à certaines différences interculturelles qui n’auraient pas manqué de me surprendre ^^

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  2. Française des Pays-Bas j’ai bien ri en lisant votre article, je me suis reconnue dans tellement de situations !!
    Un de mes grands premiers chocs est le lien entre la nourriture (on ne peut parler de gastronomie) et la convivialité…
    Exemple: pour ma toute première rencontre avec ma future belle-mère, rencontre assez officielle s’il en est, il est prévu un déjeuner.
    Et quand j’arrive, sandwiches avec pain en carton, pâté industriel, lard cru et fromage en plastique, sur une espèce de planche de bois, à manger avec une fourchette et un couteau rond de dînette.
    J’ai cru qu’elle se moquait de moi… mon (futur) mari a bien rigolé de mon incompréhension, il n’avait pas imaginé un instant que serait servi autre chose – et à ses yeux j’aurais dû le savoir puisque lui aussi mange des sandwiches pour le déjeuner !
    En fait je pense que le néerlandais est simplement sans filtre, sans gêne jusqu’à ce que tu lui dises qu’il te gêne ; et là il est complètement capable de changer de comportement pour ne pas te gêner… sauf que nous, français bien policés, nous n’oserons jamais lui dire ouvertement qu’il nous gêne mais nous plaindrons longuement par derrière de ce sans-gêne auprès de tout le reste du monde…
    ahhhh la poutre et la paille et touça touça !

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