12 ans

Mon fils vient d’avoir 12 ans et le temps est venu pour moi de devenir adulte.

Fière de mon incipit, je l’ai déclamé à mon cher et tendre. Pour toute réaction, j’ai obtenu un mouvement de levée des yeux au ciel que j’ai traduit comme un : « n’importe quoi, ça fait un moment que tu es adulte ».

Oui, mais non.

Je m’explique. 12 ans est un âge charnière. Il coïncide avec l’entrée au collège, le fait que mon fils est aussi grand que moi, le début de l’adolescence, les billets d’avion au tarif adulte mais c’est plus que cela.

A 12 ans, aux Pays-Bas, il a le droit de refuser des soins médicaux. Lors de notre premier rendez-vous chez l’orthodontiste, la discussion s’est faite avec lui : il a été consulté, son accord lui a été demandé. Je trouve cela respectable que l’avis de l’enfant soit pris en compte, c’est notre mode d’éducation.

Mais récemment un garçon de 12 ans a refusé une chimiothérapie. Son père a porté l’affaire devant les tribunaux et a perdu. L’enfant a été déclaré responsable mentalement et a décidé de prendre le risque de ne pas survivre à la maladie.

12 ans, c’est jeune pour prendre ce type de décision, non ?

L’année prochaine, notre 12 ans va entrer au collège et s’y rendra seul, à vélo. Le ramassage scolaire n’existe pas aux Pays-Bas (lire mon article : F59). Les collèges ont une application, Magister, avec l’emploi du temps, les devoirs, les notes mais cette application est au centre d’une polémique. Le fait que les parents soient en courant des notes ou qu’ils sachent si l’enfant sèche l’école serait selon le Médiateur des enfants une atteinte à la vie privée.

Vous avez bien lu : une atteinte à la vie privée de l’enfant.

Je n’entre pas dans la chambre sans frapper. Je ne vérifie pas le téléphone mobile. Chacun a le droit à un jardin secret. Mais tout de même, l’enfant part à vélo et s’il lui arrive quelque chose, on ne pourrait pas intervenir rapidement car on ne serait pas au courant ?

En tant que française, je ne comprends pas.

Jusqu’à maintenant on leur a appris les bases, la politesse, le respect. D’un animal sauvage, on en a fait un animal social. On a beaucoup dessiné, décoré, bricolé, cuisiné, chanté. A présent, il faut gérer des questions comme : « j’ai parlé à mes copains de faire une boum avec eux mais finalement je préfère faire une fête d’anniversaire en petit comité. Qu’est-ce que tu ferais à ma place Maman ? » ou comme « mon copain d’école se fait harceler, que dois-je faire ? » ou comme « certains enfants de l’école ont été en contact via Internet avec des pédophiles, savez-vous parents comment réagir ?». Soudainement il ne faut plus être une aile protectrice, mais un tuteur pour l’aider à grandir dans la bonne direction, le lâcher tout en étant prêt à le rattraper, mais pour cela, il faut certes de la confiance et du dialogue, mais aussi un minimum d’informations sur l’enfant.

Aux Pays-Bas, la société est pour la responsabilisation et la confiance (et non l’autorité et l’infantilisation comme en France). Ces valeurs ne se retrouvent pas seulement dans l’éducation et à l’école mais se poursuivent ensuite dans le monde du travail. Je m’y reconnais et j’admire le fait que l’enfant soit ainsi respecté. Cependant, ma culture française et mes tendances Mama italienne me font vivre ce passage des 12 ans comme un grand écart.

J’ai l’impression de ne plus seulement être la maman gâteau aimante mais qu’il me faut aussi être coach et directrice des ressources humaines et que je ne m’adresse plus à un enfant mais à un petit adulte. Il est facile de tomber dans l’autoritarisme à la française, mais je ressens à présent qu’il va falloir encore plus être un exemple et l’aider à répondre à des questions pour lesquelles je n’ai moi-même pas toujours de réponses.

Alors oui, mon fils vient d’avoir 12 ans et le temps est venu pour moi de devenir adulte, même si la définition d’adulte me semble être d’accepter de se tromper et d’être imparfait.

12 ansEindhoven, Strijp-S

 


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Une réflexion sur “12 ans

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