Ziek is ziek

« Deux tiers des Néerlandais consultent Internet pour leurs problèmes de santé. C’est le taux le plus important d’Europe ».

La présentatrice du journal néerlandais ouvre de grands yeux de faon étonné en annonçant cette nouvelle qui semble suffisamment surprenante pour faire la une du 20 heures.

Depuis mon canapé, je lance à mon cher et tendre : « c’est normal, ici, ça ne sert à rien d’aller chez le médecin, il ne te donne jamais rien ».  Je me fais alors traiter de française sarcastique tandis que je ne suis que réaliste. 

Je m’explique.

Les Néerlandais ont une approche à la santé bien différente des Français. Nous attendons du médecin qu’il apporte des solutions souvent médicamenteuses tandis que les Néerlandais ont plus tendance à écouter leur corps. La question est de savoir si c’est volontaire ou contraint, c’est un peu l’histoire de l’œuf et de la poule. Car lorsque l’on va chez un médecin pour un rhume en France, on en ressort avec le diagnostic rhinopharyngite et avec un sac plein de vasodilatateurs, vitamines C, antalgiques, anti-inflammatoires et protecteurs gastriques. Aux Pays-Bas, si par miracle vous arrivez à passer la barrière de la secrétaire, le médecin vous recevra 4 minutes sans vous ausculter et vous conseillera de prendre des bains pour humidifier les muqueuses du nez, de manger des oranges et de vous coucher tôt. Ce n’est qu’un petit virus et votre corps doit créer ses défenses immunitaires. Merci. Bonne journée.

Donc ici, on le sait, on n’appelle plus le médecin pour ce genre de broutille. De même, une otite chez un enfant, c’est normal, c’est bien qu’il ait de la fièvre, la fièvre a une utilité, ça ne sert à rien de consulter. Vous n’aurez un rendez-vous qu’après avoir laissé votre enfant souffrir trois jours en utilisant le triptyque paracétamol – vitamine C – repos.

Pendant l’épidémie de grippe, n’appelez pas non plus le médecin. Paracétamol – vitamine C – repos, on vous a dit.

La culture est ainsi, et au niveau professionnel tout le monde comprend que l’on ne travaille pas si on un virus.  « Ziek is ziek », traduire « quand on est malade, on est malade », comme disent les Néerlandais.

Pour les petits bobos, je suis d’accord qu’il faut s’autoriser du temps et du repos. Mais lorsque l’on a des problèmes plus importants, l’approche est malheureusement la même.

Mon cher et tendre a eu une infection de la mâchoire. En dehors de la fièvre extrême et de la déformation du visage qui l’a fait ressembler à Elephant Man, il souffrait terriblement. Nous habitions alors au 16ème étage et j’ai bien cru qu’il allait finir par sauter par la fenêtre. D’ailleurs c’est en utilisant cet argument de parfaite dramaturge méditerranéenne que j’ai réussi à lui obtenir un rendez-vous avec un médecin de nuit.

Après un passage dans une salle d’attente grisâtre éclairée au néon, au milieu des mains ensanglantées et des bébés fiévreux et hurlants, le médecin a tiré la conclusion : « ah oui, c’est gonflé ». Il y a tout de même neuf ans d’études derrière ce diagnostic. Face au silence, nous avons tenté un : « On peut peut-être appliquer de la glace pour faire dégonfler ? ». Monsieur Bac + 9 nous a répondu « Ah oui, c’est une bonne idée d’appliquer de la glace ». Puis face à son nouveau silence, nous avons tenté un « prendre des anti-douleurs peut-être ». Il a confirmé « Ah oui, c’est une bonne idée ça un anti-douleur ».

De la même manière, il y a quelques années, j’ai eu un « léger » traumatisme crânien qui s’est conclu par neuf mois d’arrêt maladie. Le corps médical s’est décidé à me faire passer une IRM six mois après mon accident. Ils m’ont ensuite conseillé de jouer à Tetris, pour recréer des connections dans mon cerveau. Ça ne s’invente pas.

Aux Pays-Bas, il faut arriver préparé chez son généraliste et taper du poing sur la table pour passer des examens supplémentaires et aller voir un spécialiste.

Donc, il est bien utile de consulter Internet avant d’aller chez le médecin. C’est pour cela que deux tiers des Néerlandais le font. Alors suis-je toujours sarcastique ?

Biographie et contact


En savoir plus sur Petites chroniques des Pays-Bas

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

6 réflexions sur “Ziek is ziek

  1. C’est étonnant ! Je n’ai pas du tout cette expérience ! Au contraire, j’apprécie la facilité de prise de rendez-vous, la cordialité, la ponctualité (le personnel soignant s’excusant qu’il y ait dix minutes de retard sur le rendez-vous !). Et des locaux sont en général modernes et clairs. On a testé les urgences à onze heures du soir pour une déchirure musculaire de ma fille, prise en charge top, efficace, rapide. Pas besoin non plus de taper du poing sur la table pour être envoyé vers un spécialiste ou à l’hôpital pour des examens complémentaires, ils nous sont proposés.
    Rien à voir avec le parcours du combattant que j’ai souvent connu en France…

    J’aime

    1. Je suis heureuse de lire une expérience positive. Je dois avouer que lorsque les symptômes sont clairs, les Néerlandais savent être comme toujours efficaces. Mais dès que l’on a des douleurs « vagues » pouvant avoir des sources multiples, dans mon expérience, la résolution du problème reste souvent un parcours du combattant.

      Aimé par 1 personne

  2. A mon tour je suis surprise par ces remarques incessantes de nos ompatriotes installés aux Pays-Bas; il est vrai que je ne vais jamais chez un médecin même quand j’ai un bobo , il a autre chose à faire .
    J’aimerais avoir pour une fois une réponse à ma question de ces personnes qui se plaignent : quelles ont été les conséquences de prendre un paracétamol au lieu de 4 ou 5 médicaments. ?? Merci de me faire savoir.
    De plus la remarque la plus hilarante d’une compatriote a été qu’elle était surprise que le médecin n’ait pas posé un diagnostic; sans doute préférait-elle qu’il dise n’importe quoi ?!

    Nos cultures sont si diff’érentes , la France est connue pour l’excès d’emploi de médicaments, ici on est plus sobre et réaliste alors peut-être il; est bon de s’habituer ??!

    Quant aux locaux soi-disant gris et sales « : où êtes-vous allée à la Pitié- Salpétrière ou dans un hôpital néerlandais ??

    J’aime

    1. Je suis tout à fait d’accord avec vous: nous les français allons pour un oui pour un non chez le médecin.
      J’évite également l’utilisation de médicaments.
      Cependant, j’ai pour ma part malheureusement eu des soucis, des vrais, pas des bobos, pour lesquels je n’ai pas été prise au sérieux, pour lesquels on m’a uniquement proposer de traiter le symptôme sans rechercher la cause et sans faire de prévention. Une visite de 10 minutes chez un généraliste français qui a considéré mon problème dans sa globalité et non avec les lunettes de son spécialisme a résolu définitivement mon problème.
      Quoi qu’il en soit, chacun a des expériences différentes avec des personnes différentes. Et cela est respectable.
      Merci donc de rester comme je l’essaye moi même bienveillant envers les avis de chacun.
      J’essaye toujours de nuancer mes textes, en essayant cependant de faire une photo d’une expérience tout cela en 700 mots.

      J’aime

  3. Merci, Océane, de poster des observations et expériences qui resument en quelque sorte toute mon expérience sordide des Pays-Bas.
    Le système médical néerlandais est effectivement risible et honteux, comme vous le decrivez si bien. Je me suis retrouvée contrainte de quitter ce pays pour des raisons médicales et, par consequent, scolaires.

    Ma fille ainée a dû être hospitalisée d’urgence par ambulance à la suite de trois mois de fièvre, d’une toux progressivement pire et de NEUF consultations chez le médecin sans recevoir ni diagnostic ni médicament. Elle avait une double pneumonie avancée qui devenait sceptique. On l’a fait sortir, encore fievreuse, de l’hôpital au bout de trois jours pour faire une convalescence de DIX semaines à la maison, suite à quoi, elle a dû redoubler toute son année scolaire.

    Mon fils cadet était devenu complètement sourd dans une oreille suite à quatre mois d’otite et de fièvre — le médecin avait diagnostiqué « un peu d’humidité. » J’ai dû l’emmener en France pendant les vacances scolaires pour enfin lui obtenir les antibiotiques dont il avait absolument besoin.

    Quand à mon autre fille, qui souffrait de maux abdominaux epouvantables ainsi que d’eczème et de grosse fatique, on lui avait trouvé un parasite intestinal tropical, le dientamoeba fragilis. Mais on lui a refusé tout traitement aux Pays-Bas! Or, le premier gastroenterologue pédiatrique néerlandais, qui avait publié en 2011 un rapport sur les liens étroits entre ce parasite et les maux intestinaux chez les enfants, s’était démenti en 2014 quand le corps médicale néerlandais avait décidait que ce parasite ne serait plu classé comme pathogène. Quand j’ai enfin pu le consulté avec ma fille, il nous a announcé que quoi que serait le diagnostic de ma fille, elle serait toujours et seulement traité pour le syndrome des intestins irritables, ou sinon, pour des problèmes psychologiques! Aux Pays-Bas, le dientamoeba fragilis en tant que pathogène n’existait plus, même si les symptomes et les tests de ma fille disaient autrement.

    Enfin, mon quatrième enfant a été atteint d’une toux chronique et de boutons qui lui couvraient le corps, y compris le visage, pendant plus de six mois. Le médecin lui a fait subir des tests d’asthme (je savais qu’il n’en avait pas) et a complètement ignoré ses problèmes empirants de peau. Quand il était presque devenu aveugle par l’avancement d’un énorme bouton dans le coin de l’oeil, je l’ai emmené en France pour le faire traiter. On lui a trouvé une infection interne et externe de staphylococque — au bout d’une petite cure de Fucidine en comprimés et en pommade, sa toux et son infection de peau étaient complètement disparus.
    Je dois aussi parler de quand il s’était « légèrement » cassé la jambe, et il n’y avaient pas de béquilles pour lui à l’hôpital, mais le médecin exigeait qu’il aille quand-même à l’école en sautant sur un pied! Comme dit Océane, cela ne s’invente pas.

    Il y a plusieures choses à noter: les médecins néerlandais n’ont que six ans d’études après le bac, et passent deux de ces six ans en tant qu’internes. Il ne connaissent que les 80% des cas les plus communs et ne cherchent jamais plus loin. Pour des cas compliqués, les patients sont renvoyés de médecin en médecin jusqu’à ce qu’ils arrêtent de se plaindre ou qu’ils crèvent.
    Autre chose à noter: le système scolaire néerlandais est complice avec les médecins. Si un enfant manquent plus de trois jours d’affilés, ou cinq jours au totale, d’école (pour n’importe quelle raison, même maladie) entre les moments de vacances, l’école le dénonce au leerplichtambtenaar et/ou au médecin scolaire. Donc, en tant que maman, vous êtes obligée de trainer votre enfant (même malade) à encore d’autres rendez-vous dont le but est de vous faire taire et de vous contraindre à ramener votre enfant à l’école.

    Quand vous avez convergences d’enfants malades et d’absences scolaires cumulés pour cause de médecins incompétents, les écoles et les leerplichtambtenaren commencent à vous regarder de travers et à vous accuser de ne pas rentrer dans le « système ». Et même, on vous contraindra par tous les moyens — car votre histoire fait honte à tout le système educatif et médicale des Pays-Bas — de rentrer chez vous!

    J’aime

    1. Je suis triste de lire votre parcours du combattant pour faire soigner vos enfants et d’apprendre que finalement cela vous a découragé des Pays-Bas qui pourtant, malgré nos différences, ont tant à nous offrir.
      En écrivant cette chronique, je crois que j’ai ouvert une boîte de Pandore et je contaste beaucoup d’émotion autour de ce sujet.

      J’aime

Laisser un commentaire