Mardis heureux

La publicité montre un groupe de Gen Z à une rave party et dit : « Fais la fête à fond et remets-toi plus vite ». Je m’arrête un instant sur cette photo sur Instagram, et avant de me demander pourquoi l’algorithme me présente cette publicité, j’observe de plus près la publication. Il s’agit de compléments alimentaires Happy Tuesdays pour soi-disant éviter le coup de mou du mardi après un festival. En effet, la consommation de MDMA comme l’ecstasy provoque quelques jours après sa consommation une descente avec des symptômes de fatigue extrême, d’anxiété et de dépression. Si la MDMA a été prise le samedi soir, le gros coup de barre a lieu le mardi. Je vous avoue, avant d’être mère d’adolescents aux Pays-Bas, je n’avais pas la référence.

Aujourd’hui, je l’ai, car j’ai des discussions avec mon fils qui a à présent 19 ans. Autour de ses 15,16 ans, nous avons abordé ses envies de consommation d’alcool. Puis, vers ses 17 ans, il s’interrogeait sur le cannabis. Nous savons que les adolescents ont besoin d’expérimenter et de chercher leurs limites, il ne sert à rien d’interdire. Mais pour ceux qui ne me connaissent pas, sachez que je ne bois pas d’alcool, je ne fume pas et je n’ai jamais consommé de drogue. Donc j’en ai parlé à d’autres mamans néerlandaises. Toutes m’ont dit : « on préfère qu’il fume un joint chez nous dans le jardin avec ses amis, plutôt que de traîner on ne sait pas où. Au moins à la maison, si ça ne va pas, on n’est pas loin ». Dans les discussions autour de la table de cuisine, mon fils m’a aussi expliqué qu’une de ses copines du lycée partait toute seule sur son scooter à des festivals où elle prenait de l’ecstasy. Elle lui a expliqué que ça lui coûtait moins cher que d’acheter de l’alcool. Une pilule coûte quelques euros, disons l’équivalent de deux bières. Elle en prend la moitié en début de soirée, puis l’autre moitié en milieu de soirée. Au dîner, nous avions des débats et notre fils soutenait les propositions politiques néerlandaises en faveur de l’encadrement de la production de MDMA aux Pays-Bas.

Puis il a eu 18 ans et il a commencé à fréquenter lui-même, comme tout jeune Néerlandais, des festivals de Dance. Malgré les fouilles à l’entrée, il voit ceux qui font des mélanges alcool, MDMA, cocaïne, speed et GBH en une soirée. Et récemment, à l’occasion des célébrations de la libération, il est allé avec un groupe de copains à un festival gratuit. Dans la foule, ils ont perdu de vue une des filles du groupe. Lorsqu’ils l’ont retrouvée, elle ne tenait plus sur ses jambes, n’arrivait plus à parler et avait les pupilles dilatées. Ils l’ont accompagnée au poste de secours et ont fait venir la police. Ils en étaient sûrs et certains : cette amie avait bu en grande quantité de l’alcool, oui, mais elle n’utilisait jamais de drogue. Elle avait été droguée à son insu. La soirée s’est terminée chez la copine qui le lendemain n’avait plus aucun souvenir, mais avait un bleu sur la main, comme une marque de piqûre. Elle a probablement été victime d’agression à la seringue. La bande de copains de mon fils était soulagée d’avoir pu intervenir à temps, mais ils sont revenus choqués. Mon fils nous a dit : « plus je fréquente des festivals, plus je suis en train de changer d’avis. La drogue est trop banalisée aux Pays-Bas ».

Le coup de grâce a été ces jours-ci. Le fils d’une connaissance, 22 ans, a consommé un mélange d’alcool et de drogues pendant une fête. On ne sait pas s’il était fragile ou s’il a fait un mauvais trip, ou les deux, le fait est qu’il s’est pendu, chez lui. Il a été découvert le lendemain par sa mère.

Alors, je trouve inacceptable et dégueulasse qu’une entreprise légale fasse croire qu’avec quelques vitamines et minéraux, un consommateur de drogue dure va pouvoir reprendre une forme de contrôle. Je trouve cette publicité honteuse car, je ne peux pas m’empêcher de penser que, pour ce jeune homme et ses proches, il est trop tard pour un mardi heureux.

Oeuvre immersive « Diamond matrix », de Studio Irma, Musée MOCO, Amsterdam
Note: Je tiens à préciser que cette oeuvre « Diamond matrix » n’a rien à voir avec l’entreprise que je critique dans cet article. J’ai choisi cette photo uniquement pour son côté psychédélique.


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