Naturalisation

Je me réveille en pleine nuit. Mon cœur tape fort dans ma poitrine et je me dis : « si ça se trouve, je travaille depuis vingt ans et j’ai toutes mes annuités de retraite ici, mais avec la victoire de l’extrême droite aux Pays-Bas, je vais devenir une citoyenne de seconde zone. » C’est ainsi qu’il y a un an, au milieu d’une nuit de décembre, je décide de demander la nationalité néerlandaise.

Je vis depuis plus de quinze ans consécutifs aux Pays-Bas et je suis mariée avec un Néerlandais depuis au moins trois ans, je suis donc éligible. Le lendemain, j’appelle la mairie pour prendre rendez-vous.

Le premier mercredi de janvier 2024, je me rends au service de l’état civil. Je suis accueillie par deux jeunes femmes et nous remplissons les papiers. Je dois déclarer que je ne suis pas poursuivie dans mon pays d’origine pour crimes de guerre et que je n’ai pas plus de 450€ d’amendes les deux années passées pour excès de vitesse ou mauvais stationnement. Dans le formulaire, je vérifie bien que j’ai choisi l’obtention de la nationalité par « option », afin de garder la nationalité française. En discutant avec l’officier d’état civil, je lui dis qu’obtenir la nationalité néerlandaise est l’un de mes vœux pour 2024. Elle me répond : « ça va se faire plus vite que vous ne pensez. Nous allons envoyer votre dossier au Ministère de la justice et dès que l’on aura contrôlé vos antécédents judiciaires, on vous appelle ».

Deux jours plus tard, mon téléphone sonne. « Félicitations, vous pouvez obtenir la nationalité néerlandaise. Quand souhaitez-vous venir pour la déclaration de solidarité ? »

Une semaine après avoir soumis ma demande, je suis de nouveau à la mairie. Je déclare respecter l’ordre constitutionnel du Royaume des Pays-Bas, ses libertés et droits et promets de remplir fidèlement les obligations que la citoyenneté implique. Je peux faire une demande de pièce d’identité.

Une semaine plus tard, je pose sur mon bureau mon passeport néerlandais à côté de mon passeport français. Mon cher et tendre trouve cette rapidité incroyable, presque indécente. Car cette procédure ne va pas toujours aussi vite. J’ai une collègue sud-africaine. Elle est mariée avec un Néerlandais. Elle étudie depuis des mois pour pouvoir obtenir la nationalité, car elle doit réussir un examen d’intégration et un examen de langue. Elle y passe ses soirées et ses examens sont source de grand stress.

Je prends encore plus conscience de ma chance lorsque fin décembre, je me rends à l’hôtel de ville pour la cérémonie de naturalisation à laquelle tous les nouveaux Néerlandais de la commune sont invités. La maîtresse de cérémonie nous félicite. Nous sommes 480 dans la commune à être devenus néerlandais cette année. Parmi nous, il y a 110 enfants. Nous avons 39 origines différentes. Elle fait ensuite référence au long chemin parcouru, parfois la fuite d’un pays en guerre, les Centres d’accueil de demandeurs d’asile, l’apprentissage de la culture et de la langue, les entretiens au service de l’immigration. Le maire prend ensuite le micro. Le ton devient plus léger. Nous entonnons deux couplets du Wilhelmus, l’hymne national. Nous sommes dans le sud des Pays-Bas et en devenant néerlandais, nous devenons aussi brabançons. Et qu’est-ce qui est typique du Brabant ? Le carnaval (Lire aussi: Rideau à fleurs ). Nous terminons en chantant un air de carnaval. Certains font même une chenille. Devenir néerlandais, c’est aussi être capable de rire de soi-même. Après une joyeuse photo de groupe, nous sommes appelés un par un pour des félicitations.

De retour à la maison, je repense à cette soirée avec le sourire. Puis je revois cette famille, lui, sa barbe noire bien taillée, son costume sombre et ses chaussures parfaitement cirées, elle, son hijab rose pâle assorti à la robe en soie de leur fille dans sa poussette. En visant leur téléphone sur leurs regards fiers, j’ai senti que j’immortalisais un moment aussi important pour eux que leur mariage. Pour moi, obtenir la nationalité néerlandaise était presque un caprice d’enfant gâtée. Pour eux, c’était une question de survie. Et je me suis dit que je devrais plus souvent avoir conscience de la valeur de mes passeports et de ma chance d’être Européenne.

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2 réflexions sur “Naturalisation

  1. Bonjour Océane,

    Vraiment intéressant, et bien écrit, comme d’habitude. Merci beaucoup, Je m’étais posé la question il y a quelques années, mais je n’ai pas donné suite, Avez-vous du abandonner la nationalité française ?

    Cordialement, Christophe

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    Aimé par 1 personne

    1. Bonjour Christophe,
      Merci pour votre message.
      J’ai gardé la nationalité française car j’ai obtenu la nationalité néerlandaise « per optie ». C’était possible car je suis française, vis depuis plus de 15 ans aux Pays-Bas et suis mariée avec un néerlandais.
      Cordialement,
      Océane

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