Baantje

6h30. Samedi matin. J’éteins mon réveil et je vais vérifier que mon quinze ans est sorti du lit. Depuis quelques semaines, il a un baantje, un petit boulot. Il doit être à 7h30 au supermarché de notre village pour faire de la mise en rayon.

Il y a deux mois, il m’annonce : « J’ai trois copains qui travaillent au supermarché. Ils cherchent d’autres jeunes. Je vais poser ma candidature ». Tandis que son cerveau d’adolescent le pousse souvent à la procrastination, dans le quart d’heure qui suit c’est chose faite. Tout s’enchaine alors rapidement. Il est invité à un entretien. Le jour J, il est de lui-même rasé, coiffé, porte un T-shirt blanc propre. Il enfourche son vélo et je l’imagine assis face aux recruteurs, légèrement penché, donnant des réponses courtes, économe de ses mots. Je regarde ma montre toutes les minutes et réalise que je suis probablement la seule à être stressée. Il est embauché et l’après-midi même, il va récupérer son contrat, le règlement intérieur, la charte client, le polo du magasin et un badge avec son prénom. Dans tout cela, notre seule intervention a été de signer son contrat.

Il est normal aux Pays-Bas d’avoir un petit boulot lorsque l’on est lycéen. Il y a plus de vingt-cinq ans, lorsque j’ai rencontré mon cher et tendre qui est néerlandais,  il avait été surpris que je n’ai pas eu d’autre petit boulot qu’un mois dans une banque. Lui avait travaillé dans une maison de retraite en cuisine, dans la floriculture à nettoyer des bulbes de tulipes, dans une entreprise à faire de petites réparations, chez des voisins pour du babysitting puis dans un journal à écrire des articles sur les matchs de foot des clubs locaux. C’était il y a trente ans mais cet apprentissage jeune de la valeur du travail est toujours présente dans le pays.

Ainsi les publicités et journaux gratuits sont distribués par des enfants dès douze ans. A partir de quinze ans, ils peuvent travailler dans certains supermarchés et magasins. Alors évidemment le travail des enfants est encadré. Ils ne peuvent pas travailler la nuit. En période scolaire, ils ne peuvent pas faire plus de 12 heures par semaine, sachant que les jours d’école leur travail est limité à 2 heures par jour, et les week-end à 8 heures par jour. Notre quinze ans travaille entre cinq et huit heures par semaine, mais il n’a pas d’horaires fixes, ni un nombre d’heures minimum. Les planning sont faits tous les mois en fonction des besoins du magasin et des disponibilités de l’enfant. Son employeur a noté ses horaires d’école et d’entrainements de foot. Notre quinze ans peut aussi remplacer un autre jeune absent. Il pointe et est payé à l’heure.  

Ce baantje est grand en enseignement car lors de sa première semaine, notre adolescent n’a pas mentionné que nous partions en vacances pour le Toussaint et qu’il serait indisponible pendant huit jours. Il s’est retrouvé sur le planning et a dû chercher un remplaçant. Mais il n’en a pas trouvé. Il a été voir son chef d’équipe en lui disant : « je n’ai trouvé personne » avec en tête qu’il était encore en période d’essai et pouvait être remercié. On lui a répondu « c’est bon, la prochaine fois, préviens nous avant que les plannings ne soient faits ».

Malgré un contrat qui demande la flexibilité des employés, les Pays-Bas connaissent aujourd’hui une situation de plein emploi. Pour 100 candidats, il y a 106 offres d’emploi. La flexibilité est donc aussi demandée aux employeurs.

Le contrat de notre fils arrive à son terme le jour de ses seize ans. A ce moment-là, il coutera plus cher car le salaire dépend de l’âge. Donc un enfant de quinze ans touche un tiers du SMIC. J’entends les cris outrés : « Mais il fait le même travail ». Certes, mais en travaillant un soir deux heures et le samedi quatre heures pendant 45 semaines, il gagnera 1300 Euros, une fortune pour un enfant et tout cela grâce à ses efforts.

Ce printemps, notre fils va avoir 16 ans. La palette de baantjes possibles s’élargira. Il envisage alors de devenir livreur de pizzas à vélo.

Amsterdam, Pays-Bas

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2 réflexions sur “Baantje

  1. Ma fille qui aura 12 ans cet été veut déjà savoir ce qu’elle peut faire comme travail et je ne m’en suis pas encore préoccupé… Merci de débroussailler !!
    Je suis ravie que mes enfants aient accès à cet enseignement.
    Je n’ai pas eu d’autre travail que femme de service en maison de retraite a 18 ans et j’aurais vraiment bénéficié a être mieux préparée par des petits boulots plus jeune, ça a été rude !

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