« Tu sais Maman, une fille peut devenir un garçon et un garçon une fille. C’est arrivé au voisin de la maîtresse. Il a été à l’hôpital, il s’est fait couper le zizi et maintenant, c’est une fille ». Ma six ans m’a annoncé l’arrivée du printemps un soir dans la salle de bain tandis que je me brossais les dents.
Pour accompagner les jonquilles et les premiers bourgeons, la fin de l’hiver néerlandais s’annonce chaque année à l’école par la semaine des Lente Kriebels, c’est-à-dire des « chatouillis de printemps ». Vous vous dites : des « chatouillis de printemps » ? Du rhume des foins ? Et bien non. Il s’agit de la semaine des papillons dans le ventre, des amours, bref de l’éducation sexuelle.
Ma six-ans a donc appris que l’on peut être homosexuel(le) ou transgenre. Aux Pays-Bas, depuis 2001, deux personnes de même sexe peuvent se marier et adopter. Vingt ans avant les Manif’ pour tous en France, lorsque je suis venue pour la première fois aux Pays-Bas, mes beaux-parents avaient pour voisins un couple homosexuel, et ce, dans une région catholique et rurale. Je n’ai jamais entendu qui que ce soit les stigmatiser ou faire des blagues de chute de savonnette dans la douche.
Dans la classe de mon dix-ans cette année, l’instituteur leur a montré un tampon dans une verre d’eau et comment mettre un préservatif, en utilisant comme support un manche à balais. J’aurai aimé être une petite souris pour assister à la leçon et voir les réactions des enfants. Avec mes origines et la gêne que nous avons souvent en France pour parler de sexualité, j’ai dû me retenir de rire lorsqu’il m’a expliqué qu’ils avaient dans sa classe une boite dans laquelle chaque élève glissait anonymement des questions sur la sexualité. Chaque jour, pendant l’heure attribuée aux Lente Kriebels, l’instituteur tirait au sort des questions auxquelles répondre. Les enfants ont par exemple voulu savoir combien de temps dure l’acte sexuel ou s’il y a un âge minimum pour avoir le droit d’acheter des préservatifs.
En plus des leçons à l’école, un programme télévisé, le Dr Corrie Show, parle de sexualité aux enfants de 9 à 12 ans. Ce programme, présenté par une enthousiaste Dr Corrie, la cinquantaine, queue de cheval blonde, blouse blanche et appareil dentaire, ne fait pas l’unanimité de par son ton naturel et ouvert. L’année dernière, j’ai regardé l’épisode sur « pourquoi les humains ont-ils honte de leur corps à l’adolescence ? ». J’ai trouvé ce programme drôle et pédagogique et mon dix-ans a eu le feu vert pour le suivre.
Car au-delà des embarras et des croyances, il a été prouvé que l’éducation sexuelle à l’école est le moyen le plus efficace de lutter contre les grossesses précoces et pour que les jeunes aient leur premier rapport sexuel plus tard.
Et puis, soyons honnêtes, cela évite aux parents de voir leur adolescent lever les yeux au ciel dès qu’ils brandissent maladroitement une boite de Durex car une blondinette vient réviser de plus en plus souvent à la maison.
Je n’en suis pas encore là. En revanche, mon dix-ans après avoir fait un an et demi d’économies s’est acheté une console de jeux. Dans un premier temps, j’ai bloqué tous les accès aux jeux en ligne et aux messageries instantanées à coup de mots de passe majuscules – minuscules – caractères – chiffres. Mais rapidement, il a voulu jouer en ligne avec ses copains. Les mots de passe ont été supprimés et une discussion sur des inconnus très gentils mais avec de mauvaises intentions m’a semblée nécessaire mais s’est avérée inutile. Je me suis vu répondre sur un air blasé : « Maman, je sais, on en parlé à l’école, ce sont des pédophiles ou des Lover Boys ».
Seule la prostitution n’a pas encore été abordée en classe. Je l’ai découvert lors d’un sujet du journal de 20 heures sur les filles dans les vitrines à Amsterdam. Notre dix-ans a demandé des clarifications. Lorsqu’il a bien compris le concept, il a conclu « J’espère qu’ils mettent bien des préservatifs ! ». Et moi j’ai remercié la semaine des Lente Kriebels.
Je trouve ça génial, même si au début de ma lecture, je me suis dit que c’était un peu tôt (la capote, le tampon et les transsexuels !). Mais tu as raison, les enfants savent des choses beaucoup plus tôt que nous à leur âge, alors autant leur apprendre avec pédagogie et à l’école.
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Déculpabiliser, sortir du tabou, rendre naturel…mais que c’est sain et que ça me met en colère que la France ne sorte pas de son hypocrite pudibonderie.
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