Printemps populiste

Le printemps populiste n’aura pas commencé aux Pays-Bas.

Le 15 mars, le monde avait les yeux tournés vers le premier pays européen à se rendre aux urnes cette année. Les néerlandais ont élu leurs députés. Les élections législatives sont un scrutin proportionnel. En fonction des résultats, les différents partis s’allient pour avoir la majorité à la deuxième chambre (équivalent de l’Assemblée Nationale) et à la première chambre (Sénat). Ils créent ensuite un gouvernement pluriel, une coalition. Le premier ministre est en général issu du parti ayant obtenu le plus de voix et donc de sièges. Ce qui fait peur aux français, le consensus, est ici la norme.

Le 16 mars, le café du matin n’a pas été amer. Les néerlandais ont fait barrage à l’extrême droite dans un grand sursaut citoyen. De mémoire de petites mamies, de celles aux visages plissés, se déplaçant à petits pas, agrippées à leurs déambulateurs, jamais elles n’ont été témoins d’une telle affluence dans les bureaux de vote. Les files d’attentes s’étalaient jusque dans la rue. Toute la journée, on ne m’a pas salué sans me demander : « tu as été voter ? ». Toute la journée, j’ai marmonné « nan, pas l’droit, pas néerlandaise » (je vous en parlais ici). Mes amies se sont rendues aux urnes à l’aube « au cas où … ».

Et les résultats sont là. Le taux de participation s’est élevé à 80%. C’est-à-dire que 80% de la population des plus de 18 ans a voté puisque l’inscription sur les listes électorales se fait d’office.

Les négociations pour la formation d’un nouveau gouvernement ont commencé et quatre partis envisagent peut-être de créer une coalition: les libéraux, les chrétiens démocrates, les centristes progressistes et les écologistes de gauche. Geert Wilders, le leader du parti populiste PVV, restera dans l’opposition. Je suis soulagée que le pays dans lequel je vis partage encore mes valeurs.

Je suis aussi soulagée car Wilders est entre-autres contre la double nationalité. Mes enfants ont la chance de baigner dans deux cultures, de parler deux langues, d’avoir deux passeports et ils devraient choisir leur nationalité ? Lorsque l’on vit entre deux cultures, faire un choix est impossible. On est les deux. On n’est ni l’un ni l’autre. Les binationaux sont une solution homogène dont les composants sont devenus indissociables.

Je suis également soulagée car Wilders voudrait un Nexit, soit une sortie des Pays-Bas de l’Europe. Je suis de la génération Erasmus. Je ne connais rien d’autre que l’Europe. J’ai étudié en France et aux Pays-Bas. Mes diplômes sont valables dans l’Union. J’ai eu des colocataires allemands et danois. J’ai été invité à des mariages en Espagne et en Pologne. Je suis mariée à un Néerlandais. Je vis et travaille en Europe sans permis de séjour, sans permis de travail. Bref, je suis Européenne.

Je ne vous donne que des exemples de libre circulation de personnes alors que l’Europe c’est plus que cela, bien plus que cela, mais on l’a oublié car l’Europe est devenue une énorme machine qui semble loin du peuple, à cause d’hommes politiques nationaux qui utilisent « Bruxelles » comme bouc émissaire par manque de courage politique.

Simon Sinek, père du principe du « Cercle d’or », explique qu’une organisation qui présente d’abord ses motivations aura plus de succès qu’une organisation qui explique ce qu’elle fait et comment. Le pourquoi doit être au cœur de la proposition. Or l’Europe fait beaucoup de choses, on ne comprend pas bien comment et on a tous oublié pourquoi.

On a tous oublié que l’Europe existe pour nous assurer paix et prospérité. Et elle a réussi : l’Europe est prospère et nous vivons en paix. Le rappeler fait passer pour une rabat-joie. Mais regardons à l’Ouest ces hommes penchés sur des décrets abscons, regardons à l’Est ces missiles nucléaires pointés dans notre direction et n’oublions pas que rien n’est acquis.

Alors deux semaines après les élections néerlandaises, je suis soulagée par les résultats mais c’est avec une boule dans l’estomac que je vais me rendre le 23 avril au bureau de vote à La Haye en espérant que le printemps populiste ne sera pas français.

Printemps populisteBinnenhof, siège du Parlement néerlandais et la Torentje (=petite tour), bureau du Premier Ministre

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