Soupe de lentilles

« Mieux vaut de bons voisins qu’un ami éloigné » est un proverbe néerlandais et, je l’ai découvert récemment, un mode de vie.

Il y a huit ans de cela, nous nous sommes installés dans un quartier résidentiel d’une petite ville. Nous pressentions que ce nouvel environnement serait propice à une éducation calme de nos enfants.

Dès le premier jour, perchés sur des escabeaux, les cheveux en vrac, habillés de jeans datant de nos premières années de fac, nous avons découvert notre sonnette résonnant dans l’espace encore vide de la nouvelle maison. Sur notre pas de porte se tenait un couple d’environ une dizaine d’année de plus que nous. En réponse à nos airs surpris, ils nous ont tendu des mains chaleureuses et se sont présentés : « nous sommes vos nouveaux voisins. Si vous avez besoin de quelque chose, n’hésitez pas à venir nous voir ». Puis ils nous ont laissé à nos éponges et pinceaux, sans nous envahir. Ils venaient de donner le ton.

En centre-ville, les caméras de surveillance pullulent. Dans notre quartier, elles ne sont pas nécessaires. Avec 47% de la population active travaillant à mi-temps, le record européen, il y a toujours une paire d’yeux derrière une fenêtre sans rideaux pour surveiller les gamins.

Mon grand, alors qu’il avait huit ans, a fait une mini-fugue de vingt minutes. En passant trois coups de téléphone, j’ai pu connaître son itinéraire : « oui, je viens de le voir, il allait vers le toboggan rouge ». On me prévint aussitôt qu’il repassa devant la fenêtre du salon et avant même que mon boudeur n’apparaisse au bout de la rue, son retour m’avait déjà été annoncé.

Ma six ans, à la sortie de l’école, est tombée de vélo. Elle a mal négocié un virage et s’est pris un poteau. Alerté par les hurlements « plus de peur que de mal », un riverain a jailli pour nous proposer verre d’eau, désinfectant et pansements.

Alors pendant longtemps, lorsque l’on me demandait où j’habite, je terminais mes explications par un : « le contrôle social y est fort ».

Mais après ce qu’il m’est arrivé en début d’année, il m’est difficile de continuer à utiliser ce terme de « contrôle » à consonance péjorative.

J’ai entamé 2017 avec la grippe. Quand je dis la grippe, je parle de La Grippe, une saleté qui m’a immobilisée pendant dix jours. Oui mais voilà, mon cher et tendre, papa de nos deux enfants était alors à l’étranger. Or j’étais incapable d’emmener notre progéniture à l’école. Face à cette situation, je n’ai presque rien eu à demander, le voisinage est passé en alerte orange. Une voisine m’a conduite chez le médecin pendant que son mari récupérait la petite à la garderie du soir. Le lendemain, elle l’emmenait à l’école. Une autre famille s’en est chargé la journée suivante et a même gardé ma six ans, camarade de classe de leur fille, un mercredi où exceptionnellement les petites n’avaient pas école. Et quand je dis garder, je veux dire la faire manger le mardi soir, la faire dormir chez eux et l’occuper le mercredi. Une autre voisine, à l’annonce de ma maladie saisonnière, est arrivée en trombe avec une marmite de soupe encore frémissante : « des lentilles, de la viande, des légumes frais, bref que des bonnes choses pour reprendre des forces. Et tu n’auras pas à cuisiner ! ».

Mon absence à la sortie des classes n’est pas non plus passée inaperçue. L’alerte orange s’est étendue de ma rue à la cour de récréation. Les messages ont abondé, on me proposait de récupérer les enfants, de les inviter à jouer puis de me les ramener, on me rappelait que je ne devais pas hésiter à demander de l’aide si nécessaire.

Ces actions solidaires m’ont fait chaud au cœur et aujourd’hui je cherche un autre « mot » que contrôle pour nommer l’état d’esprit. Je vais peut-être plutôt dire que j’habite un quartier dans lequel chaque habitant se sent responsable de chacun pour le bien-être de tous (lire: Relever ses manches). Et maintenant que je suis rétablie, je vais aller demander à ma voisine sa recette de soupe de lentilles.

soupe-de-lentilles

6 réflexions sur “Soupe de lentilles

  1. Bonjour !

    Merci pour ces jolis reportages, je vais commencer à vous suivre 😉
    Moi même ex-parisienne, j’ai suivi mon grand amour néerlandais et j’habite dans le Noord Holland depuis aout 2016. A bientôt !

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  2. J’ai moi-même vécu aux PB pendant 7 ans.Nous habitions dans la ville ou se situe toutes les institutions internationales,donc par ce fait moins chaleureuse que la vôtre et moins de relation avec les voisins.Votre blog est frais, continuez.Il est vrai que ce pays est fait pour les enfants et le vélo.Un clin d’œil en rapport avec le déplacement à vélo, j’en ai fait sur de la neige et je ne suis jamais tombée.Nous avons quitté le pays il y a 2 ans et je regrette énormément tous mes déplacements à vélo.Bonne continuation.

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