« Au cours de la deuxième soirée, les enfants joueront aux dealers de drogue. Les élèves vont devoir négocier leur dope sans se faire attraper par les policiers-professeurs.
Nous aurons :
– de la coke : des sachets de sucre ;
– de la beuze : des sachets d’herbe coupée ;
– de l’extasie : des sachets de petits bonbons ;
– et des champignons hallucinogènes : des sachets de champignons de Paris.
Il n’est jamais trop tôt pour parler de drogue avec les enfants ».
Je regarde autour de moi dans la salle des professeurs du collège néerlandais de mon douze ans et tous les parents d’élèves réunis trois semaines après la rentrée approuvent d’un mouvement de tête. Je ne perçois pas l’ombre d’un sourcil étonné.
Rien de rien.
Je suis bien aux Pays-Bas à la veille du départ de la classe en colonie.
A l’entrée au collège, de nombreuses semaines sont investies à la création d’un groupe afin que les enfants se sentent bien dans leur classe. L’un des rituels de rentrée est la colonie. Pendant trois jours, les enfants ont un programme surchargé et peu de temps pour dormir. L’objectif est d’apprendre à mieux connaître ses camarades. Alors, après nous avoir exposé le jeu des dealers de drogue, on nous parle aussi d’une course poursuite de nuit dans les bois avec des professeurs déguisés en clowns tueurs et armés de tronçonneuses. L’objectif pédagogique de ce classique est d’unir les enfants et de leur faire prendre confiance en eux au sein de l’équipe.
Les enfants sont rentrés épuisés mais enchantés.
Notre douze ans a choisi ce collège pour sa convivialité et pour sa section « talent étude ». Comme pour le « sport étude » en France, l’emploi du temps est adapté afin de développer d’autres talents, découvrir d’autres matières (Lire aussi mon blog sur le choix d’un collège : « Psychies Iatreion »). Deux heures par semaine, il a donc « développement de talent ». Lors du premier trimestre, il a ainsi pu apprendre les étapes de la recherche scientifique : observer, rechercher, formuler des hypothèses, vérifier les hypothèses, analyser les résultats, tirer des conclusions. Récemment ils ont travaillé à la construction d’un pont le plus stable et solide possible… en spaghettis. Un autre groupe a réalisé un prototype de machine nettoyeuse des déchets dans l’espace. Pour réaliser ce prototype, les élèves ont donc dû approfondir le sujet, tester, se tromper, recommencer.
Depuis les vacances de Toussaint, et l’obtention de ses premières notes, il peut ne plus assister à certains cours pour lesquels il a au moins 15 de moyenne. Il peut alors remplacer jusqu’à cinq heures de cours par semaine par des heures de développement d’autres talents. Ainsi, il va abandonner une heure de français et une heure d’histoire pour apprendre à fabriquer des feux d’artifices. Il remplace des matières durant lesquelles il pourrait s’ennuyer par deux heures de chimie. Il signe pour un projet de six semaines.
Et si ses notes de français et d’histoire chutent, peut-il abandonner ?
Non.
Il s’engage à mener le projet à son terme. A lui de faire en sorte de fournir le travail personnel nécessaire à garder sa moyenne. Le coach de talent affirme qu’en général les notes augmentent même, car l’école devient plus intéressante et les enfants sont motivés.
Mon douze ans a également une matière qui s’appelle : « Réflexions sur la vie ». Tandis que je le voyais dessiner un arbre dont il était le tronc et dont les racines étaient les éléments qui lui font se sentir « chez lui », je me suis penchée sur son livre. Dans cette matière, les enfants dialoguent sur le sens de la vie, les réponses apportées par les religions et la philosophie, le chemin de vie qui les attirent et ils ont commencé un dossier « Vision de vie » sur lequel ils vont travailler pendant six ans. Un parent français se mêlerait peut-être des devoirs de biologie et de géographie, tandis que je dessine, moi aussi, mon arbre et ses racines. Au-delà de l’apprentissage de connaissances, je suis heureuse que notre fils ait la chance d’explorer qui il est et de pouvoir emprunter des chemins de traverse tout en étant dans un environnement où il se sent en confiance.

Je suis bouche bée devant l’intelligence, le bon sens et l’innovation de ce programme scolaire…. une classe de talents…quelle bonne idée !
J’aurais probablement été aussi surprise en découvrant le détail des 3 jours sur la coke et la poursuite dans les bois. Il y avait peut être débat et réflexion sur le sujet avec les enfants, non ?
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J’étais initialement sceptique face aux clowns tueurs mais les enfants étaient tellement enthousiastes que je ne m’en inquieterait plus aujourd’hui.
Et la classe de talents, je suis presque jalouse… J’aurais tellement moi aussi connaître cela.
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