Février 1996. Aéroport Marseille-Provence. Je débarque d’un vol en provenance d’Amsterdam, sac à dos à l’épaule et tresses indiennes dans mes cheveux longs. Dans la bible du parfait douanier, le mélange d’Amsterdam et du look baba-cool (oui, en 1996, l’expression « néorural » n’existe pas encore), je rentre dans la case cannabis. Je me fais alors intégralement fouillée et manque de bol pour les douaniers, je ne fume pas, même pas des cigarettes et ils ne trouvent dans mes bagages que de la réglisse salée.
En vivant entre deux cultures, je suis depuis 20 ans confrontée aux préjugés d’un pays par rapport à l’autre.
A cette époque-là, qu’est que j’ai pu entendre comme « Fais attention, là-bas ils mettent les filles dans les vitrines » ou « Tu vis aux Pays-Bas ? Tu fumes ? »
Aujourd’hui, ce sont les Néerlandais qui ne comprennent pas pourquoi je ne corresponds pas à l’image qu’ils ont des Français. Voici un extrait de leurs idées préconçues.
Préjugé numéro 1 : les Français sont arrogants. Une collègue m’a dit un jour : « Qu’est- ce que tu es sympa ! Tu n’es vraiment pas française. Tu n’es pas arrogante et tu es souriante ». Je lui ai répondu que c’est parce que je viens du Sud et non de Paris. C’était une blague que seuls les Français peuvent comprendre et qui, je l’avoue, me fait à mon tour tomber dans des préjugés douteux.
Préjugé numéro 2 : les Français sont irrespectueux du bien d’autrui. Lorsque nous avons réaménagé aux Pays-Bas, il y a 10 ans, nous avions deux voitures encore immatriculées en France. Dès que j’arrivais sur un parking, on vérifiait que je ne tapais pas ma portière contre la leur en sortant de mon véhicule. A présent, je dois leur donner raison ; l’année dernière nous avons passé deux semaines de vacances en France avec une voiture neuve. A notre retour, nos portières étaient tachetées de petits coups de portières poussées trop loin.
Préjugé numéro 3 : les Français ne parlent que le français. Lorsque j’ouvre la bouche pour parler néerlandais, on pense que je suis belge. L’annonce de ma nationalité s’accompagne d’yeux écarquillés et de « …pour une Française » admiratifs, mais un peu vexants tout de même.
Préjugé numéro 4 : les Français ne se nourrissent que de fromage qui pue. Les cantines scolaires n’existant pas, les petits apportent leur déjeuner à l’école : des tartines et du lait frais (voir mon blog : « Escargots et hareng »). Lors d’une belle journée de fin de printemps, la maîtresse vient me voir à la sortie des classes et me dit avec précaution : « le sac de ton fils sent très mauvais. » Je la regarde, étonnée. « Oui, il sent très fort le fromage. Ses camarades étaient dégoûtés. J’ai trouvé cela très embêtant pour ton fils. Je ne veux pas que les autres enfants se moquent de lui. Et… » C’est là que la bombe est tombée « comme tu es française, je me suis dit que tu devais lui faire des tartines de fromage particulièrement odorant pour son déjeuner ». Voilà, voilà. Comme je suis française… et bien non, je ne mets sur les tartines de mes enfants que du fromage aseptisé sans goût ni odeur pour ne pas heurter les sensibilités néerlandaises. Une fois à la maison, j’ai découvert que l’odeur provenait d’un gobelet de lait frais qui avait été oublié dans la classe pendant un long et chaud week-end de mai et qui avait commencé à fermenter. Donc la puanteur ne provenait pas de fromages français mais du lait néerlandais.
Préjugé numéro 5 : les Français boivent du vin. Le problème, c’est que je ne bois pas d’alcool. Combien de fois ai-je entendu « tu ne bois pas de vin ? mais pourtant, tu es française ». Combien de fois ai-je répondu « je n’ai pas non plus une moustache, un béret et une baguette sous le bras ». Cette réponse fait toujours rire, mais dans cette hilarité mêlée de gêne, je perçois un léger « elle est rigolote, pour une Française ».
Le préjugé numéro 6 serait-il que les Français se prennent trop au sérieux ?
Une réflexion sur “…pour une Française”