La tension était à son comble ces derniers jours. Tiendra-t-elle ? Ne tiendra-t-elle pas ?
Depuis le 28 février, jour le plus froid de l’année avec une température ressentie de -20°C, la glace tient. Le ijspret, traduire plaisir de la glace et du patinage, peut commencer.
Je suis bien intégrée mais il m’arrive de ne pas avoir encore tous les réflexes néerlandais. Dans un élan d’optimisme, traduire dans l’espoir du grand froid, j’avais tout de même acheté cet automne des patins à notre onze ans. Pour notre sept ans, j’étais convaincue que les patins de l’année dernière au chausson adaptable iraient. Que nenni.
Alors mercredi, je vous laisse imaginer le drame qu’une mère indigne faisait subir à sa pauvre enfant lorsque toutes ses copines rayonnaient et tourbillonnaient sur la glace. Vous allez me dire : « tu n’as qu’à pas aller au bord d’un canal, narguer la pauvre petite ». Oui, mais voilà : le canal est dans notre rue. Je suis en ce moment même en train de surveiller les enfants sur la glace depuis ma fenêtre.
Heureusement notre sept ans a trouvé une solution de repli. C’est formidable la créativité face à l’adversité. L’année dernière mes patins pointure 39 allaient parfaitement à mon fils qui à l’époque chaussait déjà du 41. Cette année, ces mêmes patins allaient parfaitement à une demoiselle chaussant du 36.
Cependant après une dizaine de mètres sur la glace, elle tirait la conclusion que…. « ils glissent de travers tes patins!»
Il m’a fallu passer en mode mère néerlandaise qui maîtrise la situation. A 17h00, je me connectais sur Internet sur Marktplaats l’équivalent du Bon Coin. A 17h07, j’avais trouvé des patins en 36, à 3 km de la maison, pour 10 euros. A 17h08, j’envoyais un message pour passer essayer nos sauveurs. A 18h30, on se tapait dans la main. A 19h00, à la lueur des lampadaires, les patins étaient étrennés.
Les Néerlandais vivent les activités en masse et dans l’instant. Comme je vous le racontais dans « Chaleur tropicale », au premier jour de beau temps, les robes virevoltent, les barbecues fument et les voitures décapotables sont de sortie. Dès que la glace est assez épaisse, les patins sont chaussés, les thermos remplies et les lames crissent.
Aux Pays-Bas, le patin est une activité sérieuse. Mes voisins ont déplacé le banc de leur jardin au bord du canal pour que les patineurs puissent chausser dans l’herbe au bord de la glace. J’avoue que mes enfants s’équipent à la maison et, sacrilège, traversent la rue (soit 9 mètres trottoir et jardin compris) sur les lames de leurs patins. J’ai réussi à sauver la situation en trouvant des patins aux enfants, en revanche, ils ne sont ni affûtés ni huilés. Ce détail (aïe, mes lecteurs néerlandais vont me rappeler à l’ordre) ne gâche pas leur plaisir. Ils patinent l’après-midi et le soir après le dîner. Si je les écoutais, ils en feraient aussi un petit tour avant d’aller à l’école.
Les températures recommencent à monter, mais la glace est encore bonne. Dans tout le pays, ce sera un week-end de patinage. Le match de hockey sur gazon est remplacé par une matinée de patin avec l’équipe. Je viens de recevoir un courriel de l’école qui organise au pied levé une course de patin ce week-end pour les élèves. Tout notre quartier va se retrouver sur la glace, une bière ou un verre de genièvre à la main, pour se réchauffer de l’intérieur. Je regrette qu’un problème de genou m’interdise le patin cette année. Mais je profite du froid sain en bottes de neige. Les Néerlandais me regardent comme une martienne avec mes trois pulls sous ma doudoune, mon bonnet et ma capuche façon Nicolas Vanier pendant la Yukon Quest. Je me nourris de cette belle énergie et de la convivialité. Et puis tiens, je vais pouvoir faire des photos.
Allez, je vous laisse, j’ai une sept ans qui arrive en équilibre sur ses patins pour prendre un goûter.
1er mars 2018 – Lors d’une promenade, j’ai rencontré des patineurs sur un lac au milieu des bois
tes photos sont aussi belles que tes textes
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