« Je ne sais pas si je vais réussir à retenir mes larmes », m’ont dit les autres Maman lors de la dernière journée d’école de nos douze-ans qui entrent aujourd’hui au collège.
Les semaines avant les vacances scolaires ont été rythmées par la préparation au cycle secondaire. Pendant une journée, les élèves de groupe 8 (dernière classe de primaire aux Pays-Bas) ont suivi les cours dans différentes classes avec différents professeurs. Le directeur s’est improvisé professeur d’Allemand et la maîtresse professeure de biologie. Il a été demandé aux élèves de vouvoyer les enseignants, chose inhabituelle au primaire. Comme la sectorisation n’existe pas aux Pays-Bas (lire mon article sur le choix d’un collège: « Psychies iatreion « ), les groupes 8 ont participé à une journée sportive avec les autres groupes 8 de la ville. Ils étaient répartis par futur collège. Les enfants ont ainsi pu faire connaissance avec leurs futurs camarades de classe.
Le dernier jour est arrivé. Le drapeau avec les noms de tous les groupes 8 de l’école flottait au vent. Au pied du mas, les élèves de groupe 8 et les parents étaient réunis. Le drapeau a été baissé par deux élèves et les groupes 7 ont hissé le nouveau drapeau avec leurs prénoms. Le relais était passé. Puis les quatre cent cinquante élèves de l’école sont sortis dans la cour de récréation et ont formé une haie d’honneur pour les groupes 8. A ce moment-là, j’ai vu les premiers mouchoirs essuyer les premières larmes. J’ai alors découvert à quel point ce rituel de passage entre la fin du primaire et l’entrée au collège est codifié. Et le plus important restait à venir.
Après un déjeuner au restaurant, les groupes 8 se sont préparés pour la soirée de clôture : la comédie musicale. Pendant plusieurs mois, les enfants ont préparé et répété ce grand spectacle. Le soir venu, ils ont défilé sur le tapis rouge, habillés et maquillés pour leurs rôles. Ils ont joué, dansé et chanté de tout leur cœur. A la fin de la représentation, les enfants au complet sur la scène ont chanté « Pour la dernière fois ». Dans le refrain, ils remercient pour les belles années passées. Je me suis alors levée de mon siège, me suis approchée de la scène pour faire une vidéo et zoomer sur mon fils. J’ai vu ce grand garçon luttant dans un fou-rire contre les larmes. Je n’ai pas pu retenir les miennes. Je n’étais pas la seule. Enfants, parents, grands-parents, tout le monde pleurait. J’ai été assaillie par la force et la beauté du moment. Oui dans une salle des fêtes, à la fin d’une comédie musicale. On se dit alors que c’est la dernière fois que ce sont « des petits ». On prend conscience que l’on a fait un sacré travail d’éducation, qu’on leur a donné des outils, des armes et qu’il va falloir les lâcher. Les premiers jours des vacances, je n’ai pas pu regarder ma vidéo ou entendre la petite chanter « Pour la dernière fois » sans avoir un nœud dans la gorge. Je me suis également interrogée sur l’importance de ce rituel qui n’existe pas en France mais qui m’a semblé sain. D’après Boris Cyrulnik : « La fonction du rituel est d’apprendre à coexister, à vivre ensemble » et j’ajouterais « à préparer à une nouvelle phase de vie ».
Aujourd’hui, c’est la rentrée des classes.
Il est prêt.
Je suis prête.
Les livres sont couverts, l’abonnement à un téléphone mobile réglé, les fournitures achetées, l’énorme Eastpack trône dans la caisse à l’avant du vélo neuf. Je vais serrer dans mes bras mon grand qui a passé l’été à attendre ce moment.
Il a rendez-vous avec ses copains du village qui vont dans le même établissement que lui. Ils iront tous les jours au collège, ensemble, à vélo, qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente. (Lire mon article sur l’importance du vélo aux Pays-Bas: « F59 »)
Je le regarderai s’éloigner. Je pencherai encore la tête à la fenêtre. Il se retournera une dernière fois, me fera un signe de la main.
J’essayerai de penser à autre chose toute la journée. D’écrire.
De rédiger autre chose qu’un article sur le rituel de fin d’école primaire.
Lu avec les larmes aux yeux…
Bonne rentrée,
Delphine
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Mon coeur se serre en silence. J’accuse le temps qui file avec nos grands…
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